bordure Dardon

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lundi 8 avril 2013

VU ET LU SUR LE WEB

DCRI / Wikipedia : tentative de censure injustifiée et « effet Streisand »

La DCRI a fait pression sur un administrateur du site collaboratif Wikipedia pour qu'il ferme une page contenant, soi-disant, des informations « secret - défense ». La demande étant non fondée, le site a remis l'article en ligne, peu de temps après la censure. Résultat : l'agence de renseignement est devenue la risée du web et la page en question n'a jamais été autant lue.
Rémi Mathis, représentant bénévole et administrateur et Président de la fondation Wikimedia France (conservateur à la BNF, dans la vie civile) a été convoqué, jeudi dernier, par la DCRI : l’agence de renseignement française, rattachée au ministère de l’Intérieur, lui a ordonné la fermeture d’une page Wikipédia concernant la station hertzienne militaire de Pierre-sur-Haute, sous peine d’être placé en garde à vue. La page en question contenait, soi-disant, des informations classées « secret - défense » et tomberait, ainsi, sous le coup de l’article 413-10 du Code pénal (qui définit et encadre la compromission du secret de la Défense nationale).
 
Rappelons ici encore que Rémi Mathis n’a absolument aucun rapport avec la rédaction de l’article en cause.  Il s’avère que ce dernier se basait sur une interview d’une télévision locale visible par tous sur la toile, du chef de la station. Un reportage qui a, très probablement au vu des images, été réalisé avec l’accord de l’armée française. En soi, il n’est pas rare que le site reçoive des demandes de suppression de certains passages, dans des articles. Mais dans ce cas précis, la DCRI a appelé à dépublier l’article entier, sans préciser le passage qui pose problème.
L’agence avait demandé, un mois plus tôt, au service juridique de l’hébergeur légal de la fondation (Wikimedia Foundation) la suppression mais la demande était restée lettre morte car disproportionnée et non argumentée, « considérant qu'en l'état des informations qui lui étaient fournies, rien ne permettait de déterminer le caractère litigieux de l'article incriminé. », comme l'a expliqué Wikimedia France dans un communiqué.
Sous les menaces de la DCRI, Rémi Mathias s’exécute et annonce, sur le bulletin des administrateurs qu’il  « vient de supprimer » la page au nom du « secret-défense ». L’administrateur poursuit : « La police française m'a convoqué en tant qu'administrateur, suite au refus de la Wikimedia Foundation de supprimer cet article en l'état des éléments fournis. La remise en ligne engagera la responsabilité pénale de l'administrateur qui aura effectué cette action. »

Effet indésirable 

Depuis, non seulement tous les yeux se sont braqués sur la page Wikipédia qui a été remise en ligne grâce à la communauté du site collaboratif, mais, en plus, elle a été traduite en anglais et en allemand et fait désormais partie des pages les plus lues du site en version française… (devant celle de Jérôme Cahuzac !) C’est ce qui s’appelle, l’« effet Streisand » (quand la censure ou la tentative de retrait d’une information a pour conséquence de la mettre encore davantage en lumière), comme l’a souligné le site Rue89.
 
Les articles sur Internet n’en finissent pas de traiter de cet épisode, qui a choqué la majorité des observateurs et internautes : la DCRI est devenue, en quelques jours, la « risée » du web, car sa demande ne s'appuyait sur aucune justification légale (il n’a toujours pas été avéré quelles informations sur ladite page, relevait du « secret - défense »…).
Ses méthodes brutales contre un administrateur du site sont vivement critiquées. Cette histoire révèle en tout cas qu’il n’est pas rare que la DCRI demande la suppression d’articles. En effet, interviewé par ZDNet, Christophe Henner, vice-président de Wikimedia France explique : « Depuis des années nous sommes régulièrement sollicités (…) À chaque fois que les Renseignements Généraux, puis la DCRI, ont souhaité nous rencontrer pour échanger sur Wikipédia nous avons répondu présent (…) nous estimons important que Wikipédia ne divulgue pas d'informations illégales (…) La DCRI aurait fourni les éléments nécessaires, l'article aurait été supprimé. Cela n'a hélas pas été le cas.»
L’agence vient en tout cas de mesurer le poids de la communauté des internautes : seul vrai « patron » du site Wikipedia.

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