Un Gueugnonnais mort au combat en
Algérie :
LE CAPITAINE DE CHARGÈRES (1805-1845)
Qui se souvient encore de la
bataille de Sidi-Brahim de 1845 ? peu de gens sans doute. C’est au cours
de cette défaite, fait d’arme des chasseurs à pied et des hussards, qu’un
Gueugnonnais a perdu la vie. Retraçons brièvement sa carrière.
UNE TRADITION MILITAIRE
Jérôme Alphonse de Chargères
était né le 2 prairial an XIII (22 mai
1805) à Gueugnon, au château du Breuil. Il était le sixième fils de Charles de
Chargères, marquis du Breuil, lieutenant au régiment d’Austrasie, garde du
corps de Louis XVI, et de Marguerite du Crest.
Alphonse de Chargères entra à La Flèche en 1815, puis à
Saint-Cyr le 28 décembre 1823. Nommé sous-lieutenant le 1er octobre
1827, il fut renvoyé dans ses foyers le 13 octobre 1830 pour y attendre de
nouveaux ordres. Affecté comme sous-lieutenant au 8è régiment d’infanterie le 8
novembre 1832, il y remplit les fonctions d’adjoint au trésorier du 11 juin
1835 au 15 septembre 1838 et reçut dans cet emploi les galons de lieutenant. Il
reprit les fonctions de son grade et fut nommé capitaine au corps le 26 mai
1840. Lorsque, en octobre 1840, les chasseurs furent réorganisés, le capitaine
de Chargères obtint sa
nomination au 8è bataillon de chasseurs à pied, dit chasseurs d’Orléans, à la
date du 21 octobre.
En 1841, ce bataillon fut
envoyé en Afrique ; mais la 6è compagnie fut laissée avec la 7è à
Grenoble, et Chargères, qui la commandait, arriva dans la province d’Oran seulement
dans le courant de 1845, après la bataille de l’Isly gagnée par le Maréchal
Bugeaud sur Abd-el-Kader. Désireux de montrer sa bravoure, il ne savait pas
qu’il allait se trouver au fameux combat de Sidi-Brahim en 1845.
SIDI-BRAHIM
La conquête de l’Algérie,
alors territoire ottoman, a commencé par la prise d’Alger le 5 juillet 1830. Elle
a continué par la conquête du littoral (1830-1831), puis par la Campagne de Constantine
(1836-1837). Mais à l’ouest, un jeune marabout noble, l’émir Abd-el-Kader prêchait
la guerre sainte (jihâd) d’abord contre les ottomans, puis contre les Français.
L’armée française (Duc d’Orléans, puis Maréchal Bugeaud) mènera plusieurs
campagnes contre lui où victoires et défaites alterneront. Plusieurs combats
sont passés dans la légende : la prise de la smala d’Abd-el-Kader en 1843,
bataille de l’Isly en 1844 qui obligea Abd-el-Kader à se réfugier au Maroc d’où
il lançait des raids en Algérie.
Le 21 septembre 1845, on
signala sa présence aux environs de Nemours. La garnison de ce poste frontière,
forte d’environ 600 hommes, était sous les ordres du lieutenant-colonel de
Montagnac, intrépide et déterminé, qui cherchait à se couvrir de gloire. Ses
supérieurs lui avaient pourtant bien recommandé d’éviter toute sortie imprudente
et de se borner à occuper son poste. Mais de Montagnac décida de lui-même une
patrouille devant durer six jours. Cette colonne se composait de 60 cavaliers
du 2è Hussard (chef d’escadron Courby de Cognord) et de quatre compagnies du
Bataillon de Chasseurs d’Orléans (commandant Froment-Coste), en tout 408 hommes
aguerris. Les deux premiers jours, tout
se passa bien. Mais le troisième jour, au matin, on s’aperçut que le groupe
était cerné de toute part par une armée commandée par Abd-el-Kader en personne.
M. de Montagnac décida une attaque, prenant la tête avec les hussards et trois
compagnies de chasseurs commandées par les capitaines Larrazée, de Chargères et
de Raymond et trois escouades de carabiniers, laissant le reste à la garde du
camp.
Les hussards chargèrent, mais
furent massacrés ; les rescapés rejoignirent les chasseurs qui arrivaient
au pas de course. Mais les arabes étaient plus de 10.000. Les chasseurs résistèrent,
regroupés en carré. Les munitions épuisées, ils se défendirent à la baïonnette.
Les arabes reculèrent alors et, hors d’atteinte, fusillaient les chasseurs.
Montagnac fut tué dès le début. Le commandant de Cognord, blessé, fut capturé.
Le lieutenant de Raymond (7è Cie) et le capitaine de Chargères ((6è Cie) tombèrent
mortellement frappés. Le premier acte de ce combat était terminé, les quatre
cinquièmes des chasseurs tués, le reste prisonnier.
Le second acte de cette
tragédie est entré dans la légende. Les soldats restés au poste se défendirent
d’abord en carré, puis les rescapés se retranchèrent dans un marabout à quelque
distance. Là, ils résistèrent à tous les assauts pendant deux jours. Les
munitions étant épuisées, les 60 hommes restant firent alors une sortie à la
baïonnette en direction de Nemours. Trois fois attaqués en cours de
déplacement, ils se formèrent en carré à
chaque fois avant de charger à nouveau en colonne à la baïonnette.
Enfin, la garnison de Nemours, entendant les combats, arriva à leur secours :
ils n’étaient plus que 13. Epuisés, cinq moururent malgré les soins
prodigués ; il n’y eut donc que 8 rescapés dont le caporal Lavayssière (le
seul à avoir encore une arme) et le clairon Rolland (monument et souvenirs à
Lacalm, Aveyron).
Ce combat de Sidi-Brahim est
devenu le combat mythique des Chasseurs, comme Cameron l’est pour les
Légionnaires. Les restes des héros de Sidi-Brahim furent, par la suite,
rassemblés à Nemours (aujourd’hui Djemmaa Ghazaouet) dans le « Tombeau des
Braves », puis ramenés en France en 1962 au Vieux Fort de Vincennes.
Cet article est extrait de la revue "Echos du Passé" n° 113 publié par l'association "Les Amis du Dardon".
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