bordure Dardon

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mardi 8 novembre 2011

JEAN DE COLIGNY-SALIGNY





QUI ÉTAIENT LES COLIGNY ?

Les premiers seigneurs connus de La Motte-Saint-Jean étaient sans doute des Bourbon-Lancy ou de proches parents (3). En 1360, Catherine de La Motte épouse Jean de Saligny (4). En 1380, Jean dit Lourdin de Saligny, leur fils, devient seigneur de La Motte. Faisant une brillante carrière auprès des ducs de Bourgogne (5), il obtient le titre de baron et La Motte-Saint-Jean devient une baronnie en 1425. En 1437, sa fille Catherine épouse Guillaume de Coligny sgr d’Andelot.
La famille de Coligny est une famille française noble d'extraction ancienne. Issue des rois et comtes souverains de Bourgogne, elle tenait la souveraineté sur une des marches de la Bourgogne franque : le Revermont, dont Coligny (Ain) était le chef-lieu. Cette famille devint « française » au XVe siècle, par la possession de la seigneurie de Châtillon-sur-Loing héritée par le mariage (1432) de Guillaume de Coligny avec Catherine de Saligny (6). Cette célèbre famille s’est scindée en deux branches.
La branche aînée de la maison de Coligny posséda la seigneurie de Châtillon-sur-Loing. Quelques-uns des Coligny de cette branche embrassèrent la Réforme durant les Guerres de religion et combattirent les Guise aux côtés d'Henri IV. Le plus connu est Gaspard II de Coligny, Amiral de France, chef du parti protestant, qui fut assassiné lors de la nuit de la St Barthélemy en 1572. Cette branche aînée s’éteignit en 1649.
La branche cadette fut celle des seigneurs de Saligny et de la Motte-Saint-Jean. L’un d’eux fut Jean de Coligny-Saligny qui en hérita en 1676. Là encore, relisons Courtépée : « Magnifique château sur la hauteur, avec de vastes souterrains voûtés, et de belles terrasses d’où l’on jouit d’une vue très-variée, bâti par J. de Coligny. On lit en 20 endroits des appartements ces mots du Ps : Nolite confidere in principibus, in quibus non est salus. Ayant pris le parti du Grand-Condé, son parent, du temps de la Fronde, il en fut abandonné quand le prince fit sa paix et rentra en France en 1660. Piqué de se voir préféré Guitaut pour le cordon bleu, il se retira en son château et ne parut plus à la Cour. […] On voit au château quatre canons de fonte de gros calibre, de six pieds de long, pris aux impériaux par Coligni ». Cette courte notice mérite quelques compléments d’informations.
En effet, Jean de Coligny-Saligny, né à Saligny le 25 décembre 1617, suivit d’abord la fortune du prince de Condé (7) et prit part avec lui à la révolte de la Fronde. Selon Courtépée, il se serait retiré à La Motte (8), vexé que Guillaume de Guitaut (devenu par son mariage seigneur d’Epoisse où il reçut Madame de Sévigné) ait reçu la décoration de l’Ordre du Saint-Esprit (le cordon bleu). Effectivement, c’est le prince de Condé qui proposa au roi Louis XIV cette attribution à son féal Guillaume de Guitaut qui l’avait suivi pendant la Fronde, tout comme Jean de Coligny. Cette situation explique le revirement de Jean de Coligny qui fit aussi la paix avec le roi ; celui-ci, pour le remercier de sa soumission, lui donna un commandement comme lieutenant général d’une armée en Hongrie. Quant aux canons, ils ne furent pas pris aux ‘Impériaux », mais aux Turcs.

LA BATAILLE DE SAINT-GOTHARD
Szentgotthárd (en allemand, St. Gotthard ; en slovène, Monošter) est la commune la plus occidentale de Hongrie. Elle est située sur le Raab près de la frontière autrichienne [voir planche couleurs]. En 1664, elle fut le théâtre de la bataille de Saint-Gothard où une armée coalisée européenne composée principalement d'Impériaux et d'un fort contingent français s’opposa aux troupes ottomanes pour leur barrer la route de Vienne. Quelques explications sont nécessaires.




Pour nous Français, habitués à notre histoire hexagonale, nous connaissons mal le passé de l’Europe centrale. Et pourtant, notre propre Histoire en est presque toujours la conséquence. Depuis la fin du Moyen Age, tous les rois de France (ou presque) n’eurent qu’une ambition : ravir à l’Espagne la prépondérance européenne et, pour y parvenir, lutter contre la « Maison d’Autriche » des Habsbourg. Ceux-ci étaient chefs du Saint-Empire qui n’était qu’une union d’une multitude d’états et principautés. Au cours de la Guerre de Trente Ans (1618-1648), l’empereur tenta en vain l’unification politique et religieuse: les états restèrent souverains, l’Empire partagé entre catholiques, luthériens et calvinistes.
Malgré le traité de Westphalie (1648), la France continua la lutte contre l’Espagne, conséquence des troubles de la Fronde et de l’alliance de Condé avec les Espagnols. Le traité des Pyrénées (1659) mit fin à ce conflit et le mariage de Louis XIV avec Marie-Thérèse d’Espagne réconcilia les deux états avant la reprise de la guerre (dite Guerre de la Dévolution) en 1666. Or, durant ce temps, que se passait-il en Europe centrale ? Les Turcs, c’est-à-dire l’Empire Ottoman (9), avaient toujours été un sujet d’inquiétude pour les Empereurs germaniques à cause de leur ambition d’expansion (10). On se souvenait que les Turcs s’étaient emparés de Pest en 1526 et mis le siège devant Vienne en 1529. En 1571, la Sainte-Ligue, regroupant surtout Venise et l’Espagne (et où la France était absente) remportait la victoire navale de Lépante contre la marine ottomane. Mais la guerre de Trente Ans ayant déstabilisé l’Europe centrale, les Turcs renouvelèrent des tentatives d’expansion et, en 1663, envahirent la Hongrie et parvinrent jusqu’en Haute-Silésie. L’Empereur organisa alors une véritable croisade européenne dont il confia le commandement au stratège italien Raimondo Montecuccoli.
Cette armée « impériale », forte d’environ 80.000 hommes, était formée de soldats de l’Empire d’Autriche (les Impériaux) et d’alliés de la Ligue du Rhin créée en 1658 où on trouvait des Allemands et 6.000 Français. Oui, c’est incroyable ! pour la première, et la seule fois dans l’Histoire de France, notre pays s’est alliée avec l’Empire Germanique. Et contre les Turcs qui avaient été nos partenaires ! Le contingent français fut placé sous le commandement du comte Jean de Coligny-Saligny.
Pour Montecuccoli, il s’agissait de barrer la route de Vienne et, pour cela, empêcher les Turcs de franchir le Raab. La bataille se déroula à Saint-Gothard où les ottomans avaient déjà construit un pont. Les premiers éléments de l’armée impériale (environ 22.000 fantassins et cavaliers) se heurtèrent aux Turcs ayant franchi la rivière, soit 30.000 sipahis (cavaliers) et janissaires (fantassins redoutables), avant-garde des 100.000 hommes du camp ottoman. Au petit matin du 1er août 1664, les Impériaux commencèrent à paniquer et reculèrent ; les Turcs en profitèrent pour prendre l’offensive, envahirent et pillèrent le village voisin de Nagyfalu (aujourd'hui Mogersdorf, en Autriche).Trois régiments allemands tentèrent de réagir et essayèrent de se former pour s’opposer à l’ennemi de plus en plus entreprenant. Hélas, cette infanterie lourde et peu expérimentée devait, pour se mettre en bataille, traverser un terrain accidenté couvert de bâtiments ou d’arbres. C’est donc complètement désorganisées que ces troupes arrivèrent devant les Turcs. Le piège se referma sur eux et rapidement les troupes de l’Empire durent fuir le champ de bataille. Voyant comment les choses tournaient, les Ottomans décidèrent de franchir en nombre la rivière pour participer à l’hallali.
Aux alentours de midi, la situation commençait à devenir dramatique et l’armée n’avait toujours pas réagi. Après avoir demandé l’autorisation d’intervenir durant toute la matinée pour juguler la débandade, les officiers français étaient partisans d’un repli stratégique pour éviter de perdre leurs troupes. Mais les officiers impériaux se ressaisirent et une réaction ferme de l’ensemble de l’armée fut décidée. L’armée se mit alors en bataille et marcha sur la ligne d’arbres qui la séparait des Turcs, les escadrons prenant place entre les bataillons d’infanterie. Lorsque les uniformes bien alignés apparurent sous la ligne des arbres, les Ottomans crurent à un coup de bluff et firent sortir les janissaires de leurs retranchements. Arrivés à portée de tir, les impériaux restèrent fermes et la bataille s’engagea sur toute la ligne. Comme plus tôt dans la matinée, les troupes allemandes, peu entraînées, furent copieusement malmenées par les janissaires trop effrayants pour ces jeunes recrues. Rapidement une brèche apparut entre le centre et l’aile gauche de l’armée impériale tenue par les Français. Le moment était tragique, mais les troupes françaises partirent à l’assaut des lignes turques pour combler la disparition des troupes allemandes. Dans le même temps, à l’opposé de la ligne, sur l’aile droite, Montecuccoli fit avancer ses Autrichiens.
Devant la fermeté des troupes impériales, les Ottomans, fatigués par une action commencée durant la nuit, affamés par le manque de ravitaillement et désorganisés par de nombreuses absences au sein de leurs unités, adoptèrent une positon défensive plus efficace : ordre fut donné aux janissaires de regagner leurs retranchements. Voyant ce mouvement de repli de leurs troupes d’élite, les Turcs, dont la plupart n’avait engagé le combat que dans l’intention de participer à une victoire rapide sur des troupes désorganisées, commencèrent à reculer vers le pont et les gués. Petit à petit, c’est toute l’armée ottomane qui se précipita pour retraverser le Raab.


LA VICTOIRE
Voyant cela et faisant fi de l’ordre donné, la plupart des janissaires ne s’arrêtèrent pas sur leurs retranchements et rejoignirent les fuyards. La déroute de l’armée ottomane était complète. Bien sûr, le pont ne put résister à une telle débandade et se rompit sous la masse des fuyards qui furent alors précipités dans l’eau et se noyèrent dans la cohue. Alors, les Turcs restés sur la rive gauche se partagèrent entre ceux qui cherchèrent un autre passage et ceux qui combattirent jusqu’à la mort les soldats impériaux qui avançaient vers eux. La prise des retranchements fut âpre et les troupes françaises s’y distinguèrent. Les ultimes combats furent livrés avec l’énergie du désespoir, et bien que les pertes chez les impériaux soient importantes, la victoire ne put leur échapper. Une fois les derniers défenseurs des retranchements éliminés, les soldats marchèrent sur les berges escarpées de la rivière et déchargèrent un feu nourri sur les fuyards turcs qui tentaient de la franchir à la nage. Enfin, lorsqu’il n’y eut plus rien d’autre à faire, comme une ultime humiliation infligée à leur honneur, les soldats impériaux baissèrent leur culotte et montrèrent leurs fesses aux survivants turcs déconfits, mouillés et humiliés (11).
La victoire était totale pour les forces impériales. Bien que les sources soient contradictoires comme toujours sur l’évaluation des pertes, on peut estimer à 5 à 6.000 hommes celles des forces coalisées impériales sur un effectif d’un peu plus de 20.000 combattants. Quant à celles des Turcs, elles s’élèveraient à 7 ou 8.000 hommes soit à peine 10% de leurs effectifs. Néanmoins, ces pertes se portaient principalement sur les unités d’élite de l’armée, tandis que celles de la coalition impériale ont davantage frappé les régiments de l’Empire moins expérimentées (12).



SUITE ET FIN
Mais la menace turque n’était pas écartée et son armée campait toujours devant Saint Gotthard où les fuyards se rallièrent dans les heures qui suivirent la bataille. L’armée coalisée quant à elle, était minée par les maladies et le harcèlement des cavaliers tartares, mais également par les dissensions et les nombreux reproches que s’adressaient les différents commandants. Afin d’éviter un retournement de situation, l’empereur Léopold 1er s’empressa de signer la paix de Vasvár dès le 10 août1664, sauvant ainsi son armée victorieuse d’une décomposition totale.
Cette paix permit de rester sur la note positive de la victoire mais suscita beaucoup d’émois, surtout auprès des alliés mécontents et en premier lieu des Hongrois : alors que les gazettes occidentales saluaient avec emphase une victoire éclatante face à la marée turque, la Hongrie royale, ravagée par les opérations sans avoir évincé les Ottomans de ses territoires, s’éloigna de la politique impériale. Le mouvement des Malcontents était né et trouva un écho favorable auprès du corps expéditionnaire français. Louis XIV ne laissera pas échapper cette occasion et la situation ainsi créée influencera durablement la politique extérieure française pendant plusieurs décennies (guerre de Hollande, guerre de la Ligue d’Augsbourg, guerre de la Succession d’Espagne).
Pour la capitale impériale, Vienne, tout danger n’était pas écarté. En 1683, second siège de Vienne. La ville ne dut son salut qu’à Charles V de Lorraine et à l'intervention des troupes polonaises de Jean III Sobieski. Le pape organisa alors une Sainte Ligue avec la Russie, la Pologne et la république de Venise. Les Impériaux libérèrent complètement la Hongrie, les Vénitiens conquirent le sud de la Grèce et les Russes les abords de la mer d’Azov. Le Sultan dut signer en 1699 le traité de Karlowitz. L’Empire Ottoman tenta plusieurs fois encore de prendre sa revanche, mais sans succès. La Turquie devenait incapable de jouer un grand rôle en Europe et sa décadence commença à éveiller les ambitions de la Russie qui excitera contre elle les peuples chrétiens pour la désagréger et s’établir à Constantinople.



(article extrait de la revue "Echos du Passé" n° 109, 2010.)



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